Un nouvel élan pour la diplomatie guinéenne
Depuis plusieurs années, la Guinée cherche à redessiner son positionnement sur l’échiquier international. Si les relations traditionnelles avec des partenaires historiques comme la France, la Chine ou encore la Russie restent importantes, une nouvelle dynamique est en train de s’installer : celle de la diversification. Pourquoi ce changement de cap ? Quels en sont les enjeux et les implications pour le pays ? Éclairage sur une stratégie diplomatique en mutation.
Sortir de la dépendance aux partenaires traditionnels
Pendant longtemps, la diplomatie guinéenne s’est construite autour d’un noyau de partenaires privilégiés, souvent hérités du passé colonial ou du contexte de la guerre froide. Ces liens solides ont permis d’impulser des projets structurants, notamment dans les infrastructures ou l’énergie. Cependant, cette dépendance a montré ses limites. En cas de tension politique ou économique avec l’un de ces pays, c’est tout un pan de la coopération qui vacille.
« Il était temps que la Guinée s’ouvre à de nouveaux horizons », confie un cadre du ministère des Affaires étrangères sous couvert d’anonymat. « Nous avons besoin d’une diplomatie plus agile, capable d’anticiper, de négocier avec divers acteurs et surtout, de défendre nos intérêts de manière plus affirmée. »
Cap sur l’Asie, l’Amérique du Sud et le Golfe
La diversification des partenaires diplomatiques se traduit par une exploration active de relations avec des pays jusque-là peu présents dans le paysage guinéen. Le Vietnam, la Turquie, le Qatar ou encore le Brésil ont récemment multiplié les échanges avec Conakry, tant sur le plan économique que culturel.
- Avec le Vietnam, un partenariat axé sur l’agriculture et la formation technique a été initié.
- La Turquie, déjà active dans la construction d’infrastructures en Afrique, s’intéresse de plus en plus au secteur minier guinéen.
- Le Qatar, via son fonds souverain, s’est montré disposé à investir dans les technologies vertes et les énergies renouvelables.
- Le Brésil de son côté échange des expertises dans le secteur de la santé publique et de l’agro-industrie.
Ces rapprochements ne sont pas seulement économiques. Ils ouvrent aussi des perspectives culturelles et éducatives. De plus en plus de jeunes Guinéens étudient en Turquie ou au Maroc, grâce à des bourses octroyées dans le cadre de ces nouveaux partenariats.
Une volonté politique affirmée
Depuis l’arrivée du Comité national du rassemblement pour le développement (CNRD) au pouvoir en 2021, la diplomatie guinéenne affiche une volonté claire de repositionnement. Le chef de l’État, tout comme le ministre des Affaires étrangères, multiplient les déplacements et les rencontres bilatérales. L’idée ? Montrer que la Guinée est un acteur sérieux, stable et prêt à coopérer sans être sous influence.
« Ce que nous cherchons avant tout, c’est une coopération gagnant-gagnant. Pas une relation de dépendance mais un partenariat d’égaux », rappelle un conseiller diplomatique rencontré à Conakry. À ce titre, plusieurs missions diplomatiques ont été ouvertes ou renforcées ces deux dernières années, notamment dans les pays du Moyen-Orient et d’Asie du Sud-Est.
Un levier pour le développement économique local
Mais à quoi bon une diplomatie active si elle ne sert pas les intérêts du pays en profondeur ? Cette stratégie de diversification vise notamment à mieux valoriser les atouts économiques spécifiques de la Guinée. Les nouvelles coopérations permettent d’attirer des investisseurs dans des domaines trop longtemps négligés, comme le tourisme local, l’agriculture ou les industries culturelles.
Dans la région de Kankan, par exemple, des techniciens indonésiens ont récemment mené une mission d’évaluation pour un projet d’irrigation soutenu par l’Agence indonésienne de coopération au développement. À Labé, c’est un groupement d’experts émiratis qui s’est intéressé au potentiel écotouristique des hautes terres guinéennes.
Ces initiatives, encore à l’état embryonnaire pour certaines, montrent que la diplomatie peut jouer un rôle moteur dans la relance économique régionale. En ciblant des projets concrets et adaptés aux réalités locales, la Guinée peut espérer créer des emplois et améliorer le quotidien des citoyens.
Les défis d’une diplomatie en transition
Changer de cap n’est jamais simple. La diversification diplomatique guinéenne se heurte à plusieurs obstacles. D’abord en interne : manque de personnel diplomatique formé à ces nouvelles zones géographiques, déficits en stratégie de communication, absence parfois de suivi rigoureux des accords signés.
Ensuite, sur la scène internationale, la Guinée doit encore convaincre. « Nos partenaires veulent une stabilité institutionnelle, une gouvernance transparente et des garanties juridiques sur les investissements », explique un expert de la CEDEAO. Des conditions qui restent parfois difficiles à remplir dans un contexte encore marqué par des transitions politiques et des défis sécuritaires.
Enfin, il ne faut pas minimiser le poids des anciens partenaires qui, s’ils se sentent écartés, peuvent freiner certains processus diplomatiques ou économiques. La transition vers une diplomatie multicanal doit donc s’accompagner d’un travail d’équilibre fin et d’une pédagogie constante sur la scène internationale.
Vers une diplomatie citoyenne et participative ?
Pour faire vivre cette nouvelle diplomatie, un levier encore peu activé pourrait faire la différence : la diaspora. Présente aux quatre coins du monde, elle constitue une ressource stratégique essentielle, tant pour les relais économiques que culturels. De nombreux ressortissants guinéens installés aux États-Unis, en Allemagne ou au Koweït jouent déjà, souvent de manière informelle, un rôle de médiateur entre leur pays d’origine et leurs pays d’adoption.
Certains regroupements associatifs et projets entrepreneuriaux portés par la diaspora contribuent activement au rayonnement international de la Guinée. Pourquoi ne pas formaliser cette dynamique ? Une diplomatie qui intègre les citoyens, qui les informe et qui mise sur leur expertise, serait sans doute plus résiliente et inclusive.
Une opportunité pour renforcer le tourisme guinéen
La diversification diplomatique ouvre aussi une fenêtre d’opportunité pour le secteur touristique, encore sous-exploité. En tissant des relations avec des pays où le tourisme est déjà un levier économique puissant, la Guinée peut s’en inspirer, apprendre et attirer de nouveaux profils de voyageurs.
Les coopérations avec la Malaisie ou les Émirats arabes unis, par exemple, intègrent déjà des volets sur le développement durable et l’accueil touristique. L’idée d’un visa électronique pour les visiteurs étrangers est en discussion, tout comme des partenariats autour de la formation du personnel touristique local. Des projets pilotes sont en cours dans les zones de Kindia et de Nzérékoré.
Est-ce le signe d’un changement durable ? Il est encore trop tôt pour le dire. Mais cette ouverture internationale, si elle est bien accompagnée, pourrait marquer un tournant dans la manière dont la Guinée se perçoit et se fait percevoir par le monde.
Une Guinée plus visible sur la scène internationale
Diversifier ses partenaires, c’est aussi faire entendre sa voix dans des instances parfois dominées par les puissances traditionnelles. C’est ce qu’essaie de faire la Guinée, en s’impliquant davantage dans les organisations régionales et multilatérales. Le pays a réaffirmé son engagement au sein de l’Union africaine, mais aussi au G77+Chine ou à la Banque asiatique d’investissement pour les infrastructures.
Cette volonté de participer aux grands débats mondiaux – qu’ils portent sur le climat, la gouvernance numérique ou les crises alimentaires – est un signe de maturité politique pour un pays souvent caricaturé comme un « acteur isolé ». La Guinée a des atouts à faire valoir, à condition de parler avec une voix unifiée et crédible.
En somme, la diversification des relations diplomatiques guinéennes n’est pas qu’un simple réajustement géopolitique. C’est une stratégie à long terme qui, bien menée, pourrait redonner à la Guinée le rôle qu’elle mérite sur la scène africaine et mondiale. Les défis sont nombreux, mais les opportunités le sont tout autant.