Une nouvelle stratégie nationale de développement touristique se met en place en Guinée

Une nouvelle stratégie nationale de développement touristique se met en place en Guinée

Vers un nouvel élan pour le tourisme guinéen

La Guinée tourne une page importante de son développement touristique. Portée par les autorités, une nouvelle stratégie nationale voit le jour avec l’ambition claire : faire du secteur un levier fort de croissance économique, d’emploi et de valorisation du riche patrimoine naturel et culturel du pays. Annoncé fin mars 2024, ce plan de relance s’appuie sur une approche plus structurée, intégrant les acteurs locaux, les enjeux environnementaux et la nécessité de moderniser les infrastructures d’accueil.

Mais que contient réellement cette stratégie ? Est-elle adaptée aux réalités du terrain ? Et surtout, les Guinéens seront-ils au cœur de cette transformation ? Focus sur une réforme ambitieuse qui pourrait redessiner les contours du tourisme en Guinée.

Un diagnostic lucide du secteur touristique

La Guinée a longtemps été perçue comme un « géant endormi » du tourisme ouest-africain. Dotée d’un potentiel immense, avec une diversité de paysages allant des plages de la Basse-Côte aux montagnes du Fouta Djalon, en passant par les savanes de la Haute-Guinée et les forêts profondes de la Guinée forestière, le pays regorge de trésors encore largement méconnus.

Pourtant, malgré cet avantage naturel, les chiffres demeurent faibles. D’après le ministère de la Culture, du Tourisme et de l’Artisanat, le pays n’accueille qu’entre 120 000 et 150 000 touristes par an, contre plusieurs millions pour ses voisins comme la Côte d’Ivoire ou le Sénégal. En cause : manque d’infrastructures, accès difficile à certains sites, absence de promotion à l’international, mais aussi insécurité perçue et insuffisance de formations dans le secteur.

« Il était temps de travailler sérieusement à une réforme structurelle de notre secteur touristique », confie Alimou Bah, responsable d’une agence de voyage locale. « Nous avons tout, mais rien n’est mis en valeur correctement. Même les sites classés comme les chutes de Kambadaga ou les massifs du Ziama restent invisibles pour la plupart des visiteurs. »

Un plan en trois piliers pour structurer la relance

La nouvelle stratégie nationale de développement touristique repose sur trois piliers principaux :

  • La modernisation des infrastructures : Une enveloppe budgétaire sera dédiée à la rénovation et à la construction d’hébergements touristiques aux normes internationales, ainsi qu’à l’amélioration des voies d’accès aux principaux sites touristiques. Les aéroports régionaux de Labé et Nzérékoré devraient notamment bénéficier d’investissements dans les deux prochaines années.
  • La formation des professionnels du secteur : L’école nationale du tourisme, jusqu’ici peu active, sera dotée de nouveaux programmes et de formateurs qualifiés. Un partenariat est en cours avec l’OMT (Organisation mondiale du Tourisme) pour certifier certains cursus et favoriser la mobilité des apprentis.
  • La promotion et le marketing territorial : Une campagne de communication à l’international est prévue dès fin 2024, avec la participation d’ambassadeurs culturels guinéens pour renforcer l’image du pays. Le tourisme intérieur ne sera pas en reste : plusieurs événements régionaux mettront à l’honneur les cultures locales, comme les festivals traditionnels ou les circuits écotouristiques.

« Cette fois, l’État veut vraiment associer les communautés locales à chaque étape », affirme Aminata Camara, cheffe de projet au sein du nouvel Office national du tourisme. « On ne veut pas reproduire les erreurs du passé, où les projets tombaient du haut sans tenir compte des réalités du terrain. »

Des régions pilotes déjà identifiées

Pour assurer une mise en œuvre progressive, le gouvernement a identifié quatre zones pilotes pour le lancement de la stratégie :

  • Le Fouta Djalon, mis en avant pour ses paysages de montagnes, cascades, et son fort potentiel d’écotourisme.
  • La Guinée forestière, valorisée pour sa biodiversité exceptionnelle et ses traditions culturelles uniques.
  • La région de Boké, avec ses plages méconnues et ses sites historiques liés au commerce précolonial et colonial.
  • Conakry et ses environs, pour développer un tourisme urbain associant culture, gastronomie et événements.

Dans chacun de ces pôles, des projets pilotes sont déjà à l’étude. À Dalaba, un centre d’interprétation de la nature est en cours de construction, couplé à des circuits guidés autour des cases à palabres et des anciens jardins coloniaux. À Macenta, une maison du patrimoine forestier verra le jour pour sensibiliser sur l’importance des forêts sacrées et des rites traditionnels des peuples Toma et Kissi.

Les communautés locales, actrices de la transformation

L’un des axes majeurs de la stratégie est l’implication des populations dans la gestion des ressources touristiques. Ici, fini le tourisme réservé à une élite ou exploité depuis l’extérieur. Place à une approche dite « inclusive » où les habitants deviennent les premiers bénéficiaires du développement touristique.

Des formations seront offertes aux artisans, guides locaux, restaurateurs, propriétaires de cases d’hôtes. Par ailleurs, un fonds d’aide aux initiatives communautaires a été créé pour soutenir les projets portés par des groupements féminins, des coopératives agricoles ou des associations villageoises.

« Le tourisme peut être un formidable outil de lutte contre la pauvreté », explique Fodé Kourouma, chef de district à Kérouané. « Si notre jeunesse peut vivre ici, en valorisant son patrimoine au lieu d’émigrer, alors on aura déjà gagné quelque chose. »

Une attention particulière à la durabilité

La stratégie ne fait pas l’impasse sur les questions environnementales. Chaque projet touristique devra désormais faire l’objet d’une étude d’impact préalable, avec un accent mis sur les principes de tourisme responsable : gestion des ressources, respect des écosystèmes, cap sur le zéro plastique dans les zones protégées.

Des collaborations s’amorcent avec certains parcs naturels pour organiser un tourisme scientifique et éducatif : par exemple, le Parc national du Haut Niger pourrait accueillir prochainement des séjours immersifs axés sur l’observation de la faune et la sensibilisation à la conservation.

Un label « Tourisme Vert Guinée » est aussi à l’étude, afin de valoriser les établissements respectueux de l’environnement, les circuits à faible empreinte carbone et les hébergements construits en matériaux locaux.

L’enjeu crucial de la sécurité et de l’image

Dernier point non négligeable : redorer l’image de la Guinée à l’international. Trop souvent associée à des crises politiques ou sanitaires, le pays peine encore à s’imposer comme une destination sûre. Pour y remédier, la stratégie inclut un volet sécuritaire avec des brigades touristiques dans les zones à forte affluence, mais aussi une campagne soutenue pour repositionner la Guinée comme pays d’accueil chaleureux et stable.

Retour d’expérience intéressant : le succès de la dernière édition du Festival international de Kindia a montré qu’en créant un cadre sécurisé, attractif et bien coordonné, les événements peuvent rassembler touristes nationaux, expatriés et visiteurs étrangers sans incident.

« Le tourisme, c’est aussi une affaire de confiance », rappelle Ousmane Camara, opérateur culturel à Conakry. « Montrons que la Guinée peut accueillir dans la dignité, avec professionnalisme et chaleur. Le reste suivra. »

Un avenir prometteur si la volonté reste ferme

La stratégie nationale de développement touristique en Guinée est encore à ses débuts, mais elle trace une voie nouvelle. Pour qu’elle tienne ses promesses, elle devra s’accompagner d’une réelle volonté politique, d’un suivi rigoureux et d’une implication constante des territoires concernés.

Le pari est risqué, certes, mais la fenêtre d’opportunité est bien là. En s’appuyant sur son riche patrimoine, sur sa jeunesse dynamique et sur l’envie manifeste des communautés à reprendre la main sur leur destin, la Guinée peut rêver d’un tourisme à visage humain, créateur de valeurs… et d’espoir.

Et vous, quand partez-vous découvrir les trésors cachés de votre propre pays ?