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L’essor de la fintech bouleverse les habitudes financières en Guinée

L’essor de la fintech bouleverse les habitudes financières en Guinée

L’essor de la fintech bouleverse les habitudes financières en Guinée

Une révolution silencieuse : la fintech s’ancre dans les habitudes guinéennes

Il y a encore quelques années, retirer de l’argent signifiait pour beaucoup de Guinéens faire la queue devant les guichets de banques ou dépendre des services limités d’un établissement financier souvent distant. Aujourd’hui, grâce à l’essor de la fintech, ces files d’attente diminuent, les cartes bancaires évoluent, et les téléphones portables deviennent des « banques de poche ». En Guinée, cette transition numérique n’est pas qu’une tendance : elle redéfinit la manière dont les citoyens, en ville comme en zone rurale, gèrent leur argent au quotidien.

Mais c’est quoi, exactement, la fintech ?

Le terme “fintech” est la contraction de « finance » et « technologie ». Il désigne l’ensemble des innovations qui utilisent des outils technologiques pour offrir des services financiers. Cela va des applications de transfert d’argent aux plateformes de microcrédit, en passant par les néo-banques et les solutions de paiements mobiles. En Guinée, cette révolution se manifeste à travers des applications comme Orange Money, MobiCash ou encore CellPay, des services désormais intégrés dans de nombreux usages quotidiens.

Un contexte favorable à l’innovation

Le déploiement massif des téléphones portables en Guinée offre une base solide pour les services fintech. Selon un rapport de l’ARPT (Autorité de Régulation des Postes et Télécommunications), le taux de pénétration mobile dans le pays dépasse désormais les 100 % en 2023, si l’on compte les cartes SIM actives par habitant. Autrement dit, plusieurs Guinéens possèdent plus d’une ligne mobile. Dans un pays où l’accès aux agences bancaires reste limité, particulièrement dans les zones rurales, le téléphone portable apparaît comme une solution logique pour désenclaver les services financiers.

Changer la culture financière… une transaction à la fois

Autrefois méfiants à l’égard des institutions financières, de nombreux citoyens s’initient progressivement aux outils numériques. Le paiement mobile, longtemps vu comme un gadget ou un simple outil de transfert d’argent, devient une alternative sérieuse au cash.

Fatoumata Camara, vendeuse de fruits à Madina, témoigne :

« Avant, je gardais tout mon argent dans une petite caisse. Aujourd’hui, je reçois mon argent directement sur mon téléphone. Je peux payer mon fournisseur, envoyer de l’argent à ma sœur à Mamou, et même recharger mon crédit… sans bouger de mon étal. »

Des témoignages comme celui de Fatoumata illustrent la manière dont la fintech adapte les services financiers aux réalités locales : économies informelles, faible bancarisation, manque d’accès aux infrastructures traditionnelles… La souplesse des outils numériques répond aux besoins de praticité, de rapidité et de réduction des coûts de déplacement.

La bancarisation numérique : un enjeu d’inclusion

La Guinée est confrontée à un faible taux de bancarisation, estimé à environ 11 % en 2022, selon la Banque Centrale de Guinée. Cela signifie que la majorité de la population continue d’échapper à l’écosystème bancaire traditionnel. En revanche, le taux d’utilisation des services de mobile money dépasse aujourd’hui les 40 %, une transition qui permet enfin à une grande partie de la population d’accéder à des services qu’elle n’avait jusqu’ici jamais utilisés :

Ces chiffres révèlent un basculement progressif mais structurant vers une finance plus inclusive, propre à renforcer les économies locales et à stimuler les dynamiques de développement communautaires.

Les jeunes, premiers moteurs de cette transformation

Chez les moins de 35 ans – une tranche qui représente plus de 70 % de la population guinéenne – la fintech suscite un réel engouement. Le boom des startups locales dans le domaine en est une preuve. On observe l’émergence de plateformes conçues par des développeurs guinéens, souvent formés sur le tas, mais portés par une volonté de proposer des services adaptés à leurs communautés.

Aliou Barry, fondateur d’une jeune plateforme de micro-financement communautaire, explique :

« Nous avons compris qu’attendre l’ouverture d’une banque dans nos quartiers ne résoudrait pas nos problèmes. Alors, nous avons décidé d’utiliser ce que nous avions : les smartphones, la solidarité, et un peu de code. »

Ces initiatives locales contribuent non seulement à démocratiser l’accès aux services financiers, mais aussi à faire émerger une nouvelle génération d’entrepreneurs numériques, fortement ancrés dans les besoins du terrain.

Des défis toujours présents

Malgré cet élan, plusieurs obstacles entravent encore le déploiement optimal des technologies financières en Guinée :

Le manque de confiance dans les systèmes numériques reste également un frein. Nombre d’utilisateurs craignent d’être victimes de fraudes, en raison de problèmes récurrents liés aux cartes SIM, aux codes de sécurité, ou à la récupération de comptes. Il appartient aux opérateurs, en lien avec les autorités, de renforcer la transparence et l’accompagnement des clients.

La régulation, un rôle déterminant

Consciente de ces enjeux, la Banque Centrale de Guinée a engagé un travail de régulation du secteur, avec la mise en place de cadres relatifs au Mobile Money et aux établissements de paiement. Le défi consiste à trouver un équilibre entre innovation et protection des utilisateurs.

Selon plusieurs experts, un écosystème fintech sain passe par :

L’absence de régulation stricte peut ouvrir la voie à des pratiques douteuses ; mais à l’inverse, une régulation trop rigide pourrait freiner l’émergence de solutions innovantes. Le dialogue entre les différents acteurs du secteur se révèle donc essentiel.

Vers un avenir plus connecté et plus autonome

Ce n’est plus une question de savoir si la fintech va s’imposer en Guinée, mais plutôt de comprendre comment elle va continuer à se structurer pour répondre aux besoins réels des Guinéens. L’espoir est grand. Les perspectives aussi.

L’évolution des habitudes financières, surtout chez les jeunes et les femmes, ouvre la voie à une finance plus participative, communautaire et inclusive. Les marchés changent, les commerçants s’adaptent, la diaspora investit plus facilement. Le tissu économique national est, lentement mais sûrement, en train d’entrer dans une nouvelle ère.

Et vous ? La prochaine fois que vous recevez un paiement via votre téléphone, que vous payez vos factures depuis une application ou que vous épargnez sans vous déplacer, pensez à cette transition discrète mais décisive. Car à travers chaque transaction mobile, c’est un peu de l’avenir économique de notre pays qui se construit.

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