Les jeunes guinéens et l’entrepreneuriat : un nouvel espoir pour l’économie

Les jeunes guinéens et l'entrepreneuriat : un nouvel espoir pour l'économie

Un vent d’initiative souffle sur la jeunesse guinéenne

Ils sont nombreux, aujourd’hui, les jeunes guinéens à refuser d’attendre un hypothétique emploi dans la fonction publique ou une embauche aux conditions précaires. Face à un marché de l’emploi saturé et à des perspectives professionnelles souvent incertaines, une partie de la jeunesse choisit un autre chemin : celui de l’entrepreneuriat. Longtemps considéré comme une voie risquée ou de second plan, créer son activité devient désormais un acte de résilience et, pour certains, un levier de transformation économique.

Cette tendance n’est pas marginale. De Conakry à Labé, de Kindia à Kankan, des jeunes, femmes et hommes, posent les premiers jalons de leurs structures, dans des domaines aussi variés que l’agriculture, la technologie, l’artisanat ou encore le tourisme local. Mais derrière ce réveil entrepreneurial, se cache aussi une réalité sociale à décrypter.

Pourquoi l’entrepreneuriat attire-t-il autant les jeunes ?

La Guinée connaît une croissance démographique soutenue, avec une population majoritairement jeune. Chaque année, des milliers de diplômés quittent les universités sans aucune garantie d’insertion. Dans ce contexte, se lancer à son propre compte devient une solution plus qu’un choix. Mais au-delà du pragmatisme, d’autres motivations alimentent cet élan :

  • La quête d’autonomie : Être maître de son emploi du temps, de ses revenus et de ses décisions attire une génération désireuse de casser les codes traditionnels du travail.
  • Le besoin de sens : Créer une entreprise autour d’un projet local ou d’une problématique vécue donne un sentiment d’utilité sociale.
  • La technologie comme facilitateur : Les réseaux sociaux, les services de paiement mobile ou les plateformes de commerce en ligne jouent un rôle clé dans le développement de micro-entreprises.

Mohamed Camara, 26 ans, rencontré à Coyah, illustre bien cette dynamique. Diplômé en gestion, il a préféré investir ses économies dans une petite unité de production de jus naturels à base de produits locaux. « Je voulais montrer qu’on peut réussir ici, sans aller en aventure », confie-t-il, en versant un verre de jus de gingembre à un client fidèle.

Des expériences concrètes qui inspirent

Le terreau entrepreneurial en Guinée est aussi riche que diversifié. Des jeunes tentent l’aventure dans des conditions souvent précaires, mais avec une ingéniosité remarquable.

À Labé, Aissatou Bah, diplômée en biologie, a lancé une savonnerie artisanale après avoir suivi une formation à l’atelier communautaire de sa commune. Ses savons, à base de beurre de karité et d’huiles essentielles locales, séduisent une clientèle de plus en plus large. « J’ai commencé avec 50 000 GNF », explique-t-elle. « Aujourd’hui, je fournis trois points de vente dans la ville. »

À Kankan, le collectif de jeunes “Dynamique Agro”, fondé par quatre amis de lycée, a transformé une terre en friche en exploitation maraîchère. L’un d’eux, Sékouba, nous explique leur approche : « On cultive en mode bio, on vend localement, et surtout, on forme d’autres jeunes gratuitement pendant la saison basse. » Un modèle économique et solidaire, taillé sur mesure pour les réalités de la région.

Des obstacles persistants

Si l’enthousiasme est palpable, les jeunes entrepreneurs guinéens font face à d’importants défis. La majorité déplore l’accès limité au financement. Les banques imposent souvent des garanties difficiles à fournir pour de jeunes sans patrimoine.

Il y a également un manque notable de formation adaptée. Le système éducatif, majoritairement tourné vers la théorie, ne prépare pas suffisamment à l’entrepreneuriat. Les compétences pratiques, la gestion financière, le marketing digital ou le business modeling sont encore des notions peu enseignées.

Enfin, le poids des démarches administratives, parfois jugées longues et opaques, freine l’élan de celles et ceux désireux d’officialiser leur activité. « On peut passer des mois à attendre un simple papier pour immatriculer son commerce », déplore Ibrahima, un vendeur d’accessoires de téléphone à Dixinn.

Des initiatives d’accompagnement en croissance

Face à ces contraintes, des structures émergent pour soutenir les jeunes porteurs de projets. Le Fonds d’appui aux initiatives des jeunes (FAIJ) est l’un des principaux accompagnateurs publics, même si ses moyens restent limités. Des incubateurs privés, comme Saboutech à Conakry ou Donilab à Bamako (qui travaille aussi avec des jeunes guinéens via des partenariats), proposent désormais des formations, des séances de coachings et des concours de pitchs.

Par ailleurs, de plus en plus d’ONG et d’institutions internationales investissent dans le développement de l’entrepreneuriat jeune. À titre d’exemple, le programme Enabel a permis à des centaines de jeunes de Mamou et de Faranah d’accéder à une formation suivie d’un microfinancement pour lancer ou booster leur activité. Les échos sur le terrain sont globalement positifs.

Un levier pour l’économie locale

Au-delà des parcours individuels, l’entrepreneuriat jeune représente un moteur potentiellement puissant pour l’économie guinéenne. Il alimente la consommation locale, crée de l’emploi indirect et réinjecte les bénéfices dans les communautés. Dans de nombreuses zones rurales, les petites entreprises tenues par des jeunes jouent un rôle de relais d’activité là où les opportunités manquent.

Dans les zones touristiques notamment, des jeunes s’organisent pour créer des circuits artisanaux, des gîtes ou des services de transport locaux. À Dalaba ou à Kindia, on voit apparaître de vraies chaînes de valeur, construites autour du tourisme écologique ou des spécialités du terroir. Ce sont autant d’exemples qui montrent que les jeunes ne sont pas seulement à la recherche d’un emploi, mais peuvent aussi en créer pour les autres.

Changer le regard sur l’entrepreneuriat

Il est temps également que la perception de l’entrepreneuriat évolue. Pendant longtemps, celui-ci était vu comme un pis-aller, réservé à ceux qui « n’ont pas trouvé mieux ». Or, aujourd’hui, il incarne un choix audacieux, exigeant, mais porteur d’avenir. Pour que ce changement s’enracine, il est crucial d’agir sur plusieurs fronts :

  • Inclure l’entrepreneuriat dans les programmes scolaires, dès le collège ou le lycée, avec des modules pratiques et des mises en situation.
  • Valoriser les réussites locales dans les médias et sur les réseaux sociaux, en montrant des modèles inspirants issus de tous les milieux.
  • Assouplir les règles de création d’entreprise, en simplifiant les formalités et en réduisant les coûts d’enregistrement.
  • Soutenir les jeunes entreprises à long terme, au-delà des aides initiales, avec des suivis personnalisés et des accès facilités aux réseaux de distribution.

Un changement mené par et pour les jeunes

La jeunesse guinéenne, souvent stigmatisée dans le débat public comme inactive ou démobilisée, nous donne ici une leçon de résilience. Portés par leur audace, leur connaissance du terrain et une envie d’agir, ces jeunes entrepreneurs construisent un nouveau récit économique, plus inclusif et adapté à nos réalités.

Certes, tout n’est pas encore en place pour que cette dynamique atteigne son plein potentiel. Mais les graines sont semées. Reste à les irriguer. Et c’est l’affaire de tous : État, collectivités, partenaires privés, et bien sûr, citoyens. Car derrière chaque petit commerce, chaque champ cultivé ou chaque application mobile lancée par un jeune guinéen, il y a une volonté de « rester et réussir » là où beaucoup ont préféré s’en aller.

Et si c’était ça, finalement, le vrai visage du changement ?