Les initiatives pour promouvoir le tourisme intérieur en Guinée

Les initiatives pour promouvoir le tourisme intérieur en Guinée

Un potentiel encore méconnu

La Guinée regorge de trésors naturels, de traditions culturelles uniques et d’un patrimoine historique riche. Pourtant, le tourisme intérieur reste timide, éclipsé par une communication insuffisante et un manque d’infrastructures adaptées. Longtemps marginalisé au profit des grands axes urbains ou des déplacements vers l’étranger, le tourisme domestique commence pourtant à se structurer, porté par des initiatives locales, privées et institutionnelles. De Kindia à Labé, de la région forestière aux Îles de Loos, des efforts sont faits pour inciter les Guinéens à découvrir leur propre pays.

Un changement de perception nécessaire

Le tourisme n’est pas uniquement une affaire d’exotisme ou de voyage à l’étranger. En Guinée, redéfinir cette notion pour l’ancrer dans une dynamique locale est un défi, mais aussi une opportunité. Beaucoup de Guinéens ignorent encore les merveilles qui se trouvent à quelques heures de chez eux : les cascades de la Soumba, les grottes de Pakuszé, la nature luxuriante du Fouta ou encore les épopées culturelles en Haute-Guinée. Promouvoir le tourisme intérieur, c’est aussi renforcer le sentiment d’appartenance nationale et dynamiser les économies locales.

Des initiatives qui changent la donne

Ces dernières années, plusieurs projets et acteurs ont pris à bras-le-corps la nécessité de valoriser le tourisme intérieur, dans une démarche à la fois économique, culturelle et communautaire.

Les circuits guidés communautaires

À Dalaba, un collectif de jeunes passionnés a mis en place des circuits touristiques guidés ciblant les touristes nationaux. En proposant des visites commentées sur l’histoire coloniale de la ville, les maisons traditionnelles, ou encore les ateliers d’artisans, ils valorisent les savoir-faire locaux tout en créant de l’emploi. Le week-end, ces jeunes accueillent des groupes venus de Conakry ou Kindia, souvent des étudiants ou des comités d’entreprises en excursion.

Les festivals comme moteur d’attractivité

Dans la région de Labé, le Festival des Arts et de la Culture du Fouta joue un rôle de premier plan. En plus de mettre en lumière les richesses artistiques peules, il attire chaque année plusieurs milliers de visiteurs guinéens. Ce type d’événement fonctionne comme catalyseur de tourisme, attirant familles, curieux et nostalgiques des terroirs qui profitent de l’occasion pour (re)découvrir la région.

La campagne « Connais-tu ton pays? »

L’initiative lancée par une ONG locale en partenariat avec des influenceurs guinéens a connu un franc succès sur les réseaux sociaux. Sur le ton de la découverte et de la fierté nationale, la campagne « Connais-tu ton pays? » incite les jeunes à visiter leur région natale ou à explorer d’autres zones du pays. Les vidéos et publications mettent en lumière des lieux peu connus, des artisans locaux, des traditions et des mets typiques, avec un langage adapté à la jeunesse urbaine.

Le rôle clé des entreprises locales

Hôteliers, restaurateurs, transporteurs… nombreux sont les professionnels qui s’organisent pour rendre les destinations locales plus attractives et accessibles. À Conakry, certaines agences de voyages proposent désormais des formules « week-end découverte » pour le Kakoulima ou les Îles de Loos. Ces formules tout compris incluent le transport, l’hébergement, les visites, et parfois même un guide local. Résultat ? Une montée en puissance des courts séjours domestiques, combinant détente, nature et culture.

À Kindia, l’auberge Mont Gangan a récemment développé des produits d’appel spécifiques pour les touristes guinéens, avec des tarifs préférentiels, des formules familiales et des activités sur place : randonnée, dégustation de produits du terroir, ateliers d’artisanat. Une stratégie qui porte déjà ses fruits avec une fréquentation en hausse de 40 % sur les week-ends, hors saison touristique traditionnelle.

La voix des voyageurs guinéens

Mamadou Bah, enseignant à Conakry, raconte son premier séjour dans le parc du Haut Niger : « Je ne savais même pas que ce parc existait. Une amie m’a proposé une escapade pendant les vacances. C’était incroyable de voir autant d’animaux, de forêt vierge, sans quitter le pays. Je me suis dit qu’on passe souvent à côté de belles choses en pensant que voyager, c’est forcément aller loin. »

Fatoumata, jeune entrepreneure à Kankan, organise désormais avec des amies des « week-ends escapades » une fois par mois. « On choisit une région, on se donne rendez-vous, et on découvre. Ce mois-ci, c’était vers Beyla. Juste magique. En plus, ça crée du lien entre nous. On rencontre des gens, on rit, on apprend. »

Quels freins restent à lever ?

Malgré ces dynamiques encourageantes, plusieurs obstacles freinent encore l’essor du tourisme intérieur en Guinée :

  • Manque d’infrastructures : Routes en mauvais état, signalisation quasi inexistante, hébergements insuffisants dans certaines zones.
  • Communication limitée : Peu de supports publicitaires, sites web ou guides fiables pour informer les voyageurs locaux.
  • Manque de formation : Des acteurs touristiques parfois mal formés, rarement sensibilisés à l’accueil des touristes locaux.
  • Tarification peu adaptée : Beaucoup d’hébergements ou structures touristiques appliquent les mêmes tarifs pour les étrangers et les locaux, ce qui peut décourager.

Quelles pistes pour avancer ?

Pour transformer l’élan actuel en véritable levier de développement, plusieurs actions s’imposent :

  • Renforcer la visibilité des sites touristiques locaux grâce à des campagnes de promotion ciblées, incluant les radios communautaires et les réseaux sociaux.
  • Former les professionnels du secteur aux spécificités du tourisme intérieur, notamment en matière d’accueil, de gestion et de communication.
  • Favoriser l’émergence d’initiatives locales via des microcrédits ou des subventions pour les jeunes porteurs de projets touristiques.
  • Intégrer le tourisme dans les programmes scolaires pour renforcer la connaissance du patrimoine national dès le plus jeune âge.

Un levier économique et social

Développer le tourisme intérieur n’a pas qu’un intérêt économique. C’est aussi une manière de renforcer la cohésion sociale. En découvrant les réalités des autres régions, les citoyens construisent une conscience collective plus forte. Un habitant de la Forêt connaissant Fouta, ou un natif de Boké visitant Kankan, contribue à déconstruire les stéréotypes et à mieux comprendre la diversité guinéenne.

Par ailleurs, en drainant les flux de visiteurs dans les zones rurales, le tourisme intérieur permet la création d’emplois, la valorisation des savoir-faire, et peut même freiner l’exode rural. Il offre aussi une alternative économique durable pour des populations souvent marginalisées.

Un avenir à bâtir ensemble

La promotion du tourisme local en Guinée ne repose pas uniquement sur l’État ou les institutions. Elle implique aussi les citoyens, les entreprises, les collectivités. Chacun peut jouer un rôle, à son niveau, pour valoriser les richesses de son environnement. Et chacun peut, en tant que voyageur, commencer par regarder autour de soi et se poser une question simple : quels lieux méconnus puis-je découvrir sans quitter mon pays ?

Car voyager, ce n’est pas forcément partir loin. C’est aussi savoir s’émerveiller de ce qui est proche. Et en Guinée, ce n’est pas ce qui manque.