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Les écoles guinéennes confrontées à un manque criant d’enseignants

Les écoles guinéennes confrontées à un manque criant d’enseignants

Les écoles guinéennes confrontées à un manque criant d’enseignants

Une rentrée scolaire marquée par une absence notable

Alors que la rentrée scolaire bat son plein en Guinée, un constat alarmant s’impose dans de nombreuses écoles à travers le pays : le manque criant d’enseignants. De Conakry aux zones rurales les plus reculées, les établissements scolaires peinent à remplir leurs effectifs pédagogiques, compromettant ainsi la qualité de l’enseignement et l’égalité des chances pour des milliers d’élèves.

La scène est tristement devenue familière : des élèves réunis dans des salles de classe, attendant parfois des semaines avant de voir apparaître un instituteur. Dans d’autres cas, c’est un seul enseignant qui se retrouve à gérer plusieurs niveaux simultanément. Une situation qui interroge : comment espérer bâtir l’avenir si la jeunesse ne reçoit pas une éducation digne de ce nom ?

Des chiffres qui parlent d’eux-mêmes

Selon les données du ministère de l’Éducation nationale et de l’Alphabétisation (MENA), il manquerait plus de 17 000 enseignants dans les écoles élémentaires publiques guinéennes pour atteindre un ratio acceptable entre enseignants et élèves. Et ce déficit ne date pas d’hier. Chaque année, les concours de recrutement ne parviennent pas à combler le fossé, même lorsqu’ils sont organisés à temps.

Dans certaines préfectures comme Koundara, Beyla ou encore Gaoual, les écoles comptent en moyenne un enseignant pour plus de 80 élèves. Dans les zones rurales, le phénomène est encore plus criant, avec parfois des classes à double, voire triple niveau, faute de personnel.

« Dans notre école, nous n’avons reçu qu’un seul enseignant cette année. Il doit s’occuper des classes de CE1, CE2 et CM1. C’est tout simplement impossible », confie Mariama Sylla, directrice d’une école de brousse située à une quinzaine de kilomètres de Labé.

Des réalités divergentes entre zones urbaines et rurales

En zone urbaine, la concentration des enseignants est légèrement plus élevée, bien que loin d’être suffisante. Les écoles de Conakry parviennent plus ou moins à être pourvues, mais souvent au prix de classes surchargées. Les salles de 60 à 70 élèves ne sont pas une rareté.

À contrario, dans les régions rurales et éloignées, le déficit est dramatique. Faute d’un minimum d’encadrement, certains enfants ne suivent pas un enseignement régulier et abandonneront le système scolaire dès les premières années. Cette inégalité territoriale pose un problème de fond sur l’accès équitable à l’éducation.

« Ce n’est pas que nous ne voulons pas enseigner ici, mais les conditions ne nous motivent pas. Il n’y a pas de logement, pas d’eau, pas d’électricité. Même nos salaires arrivent avec retard », explique un instituteur affecté à un poste dans la préfecture de Nzérékoré.

Quelles sont les causes de cette pénurie ?

Plusieurs facteurs se croisent pour expliquer cette pénurie persistante :

Au final, le vivier d’enseignants disponibles ne suffit pas à alimenter un système éducatif en quête d’amélioration.

Et pourtant, des solutions existent

Face à cet enjeu crucial, différents acteurs, publics et privés, avancent des pistes pour tenter d’enrayer la crise :

Certains projets pilotes ont vu le jour dans la région de Kindia, où des ONG en partenariat avec les autorités locales ont pu financer la formation accélérée de jeunes diplômés pour répondre à l’urgence éducative. Ces initiatives montrent que la mobilisation communautaire peut apporter un appui significatif à l’effort national d’éducation.

Les enfants, premiers touchés

Derrière ces chiffres et propositions, ce sont surtout les enfants guinéens qui paient le plus lourd tribut. Une éducation instable, entrecoupée d’absences, laisse des lacunes durables chez les élèves et fragilise leur avenir professionnel.

Lorsque les enseignants manquent à l’appel, ce sont souvent les parents ou les frères aînés qui prennent le relais, comme ce fut le cas à Mandiana, où un groupe de femmes s’est organisé pour assurer des cours de lecture basique le matin, en attendant l’arrivée d’un instituteur promis par le rectorat.

Mais peut-on vraiment attendre des familles qu’elles se substituent au système éducatif ? Loin d’être une solution durable, ces palliatifs masquent une réalité plus profondément ancrée : l’école guinéenne est en souffrance, et le personnel enseignant reste au cœur de toutes les batailles à venir.

Une profession à revaloriser

La désaffection actuelle du métier d’enseignant tient aussi à des raisons structurelles : salaires peu attractifs, manque de perspectives de carrière, absence de reconnaissance sociale. C’est un constat que partagent beaucoup de jeunes diplômés, préférant se tourner vers d’autres secteurs, parfois moins stables, mais jugés plus valorisants.

« Enseigner, c’est devenu presque un sacrifice. Pourtant, c’est un métier noble dont le pays a cruellement besoin. On ne peut pas construire sans enseignants », s’indigne Ibrahima Camara, ancien élève de l’ENI de N’Zérékoré en formation depuis trois ans et toujours sans affectation.

La revalorisation du métier d’enseignant, à travers des salaires décents, une formation continue et une politique d’intégration transparente, pourrait être une clé de voûte dans la résolution de cette crise.

Des voix qui s’élèvent pour le changement

Sur les réseaux sociaux, dans les médias et lors des débats citoyens, la question du déficit d’enseignants revient régulièrement dans les discussions. Parents d’élèves, syndicats d’enseignants, journalistes, mais aussi jeunes leaders associatifs, dénoncent depuis des mois l’état d’abandon de certaines écoles.

Certaines initiatives locales méritent d’être soulignées : à Mamou, une association d’anciens élèves a financé le salaire d’un enseignant pour l’école primaire de leur quartier. À Boké, un groupe de jeunes influenceurs sensibilise sur l’importance de soutenir l’éducation par des campagnes de collecte de fournitures et de plaidoyer.

Ces efforts, bien qu’encourageants, ne pourront suffire à pallier un manque systémique. Il est nécessaire que les autorités reconsidèrent l’urgence du problème et agissent rapidement pour redonner à l’école guinéenne les moyens d’accomplir sa mission fondamentale.

Et maintenant ?

Le manque d’enseignants en Guinée est bien plus qu’un simple problème administratif. C’est un révélateur profond d’un système éducatif en besoin d’attention, de réforme et de moyens. Le pays a besoin d’une réponse coordonnée, durable et inclusive, impliquant l’État, les collectivités locales, les enseignants et les citoyens.

Comme le disait un ancien instituteur de Faranah : « Une école sans enseignant, c’est une salle vide. Et une nation sans éducation, c’est un avenir en suspend ».

À quelques mois de la fin de l’année scolaire, la question reste entière : nos enfants auront-ils, demain, les enseignants qu’ils méritent vraiment ?

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