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Les conséquences du changement climatique sur l’agriculture guinéenne

Les conséquences du changement climatique sur l’agriculture guinéenne

Les conséquences du changement climatique sur l’agriculture guinéenne

Une réalité qui frappe déjà les champs guinéens

Dans les plaines du Fouta, sur les hauts plateaux du Macenta, ou dans les rizières de Koba, un constat revient avec insistance : les saisons ne sont plus les mêmes. Pluviométrie imprévisible, chaleur croissante, sols appauvris… Le changement climatique, autrefois perçu comme une menace lointaine, façonne désormais au quotidien la vie des cultivateurs guinéens.

La Guinée, pays essentiellement agricole, voit son avenir alimentaire confronté à des défis redoutables. Selon les données du Ministère de l’Agriculture et de l’Élevage, plus de 80 % de la population active dépend encore de l’agriculture, majoritairement vivrière. Cette dépendance rend le pays particulièrement vulnérable aux aléas climatiques.

Pluies erratiques et périodes de sécheresse anormales

Traditionnellement, le calendrier agricole en Guinée suit deux grandes saisons : une pluvieuse et une sèche. Mais depuis quelques années, les repères sont bousculés. À Télimélé, par exemple, plusieurs agriculteurs signalent des pluies abondantes en périodes inhabituelles, compromettant ainsi les semis ou les récoltes.

Mamadou Barry, cultivateur dans la région de Kindia, témoigne :

« Les pluies arrivent parfois en mai, parfois en juillet. Une année, nous avons perdu tout notre maïs parce qu’il a fait sec juste après la germination. Et l’année suivante, ça a été l’inverse, avec des inondations qui ont pourri les racines. »

Ces irrégularités mettent en péril la récolte, mais aussi la planification même de l’activité agricole. Semer au mauvais moment, c’est courir le risque de voir des mois de labeur réduits à néant.

Des cultures traditionnelles sous pression

Riz, igname, manioc, fonio — autant de cultures ancestrales qui constituent la base de l’alimentation guinéenne. Mais ces cultures, adaptées à des conditions climatiques bien précises, peinent à survivre dans un environnement devenu instable.

Le fonio, par exemple, qui nécessite des sols légers et un minimum de précipitations régulières, voit ses rendements chuter en Haute-Guinée. De même, le riz pluvial n’arrive plus à maturité dans certaines zones où la sécheresse s’installe plus tôt que prévu.

En Basse-Guinée, cela pousse certains agriculteurs à se tourner vers des variétés importées, souvent génétiquement modifiées, plus résistantes mais également plus coûteuses. Cela soulève une autre problématique : la dépendance croissante aux semences commerciales et aux intrants chimiques, au détriment de l’agriculture durable et locale.

Déforestation et appauvrissement des sols

Face à la difficulté croissante de cultiver sur les terres traditionnellement utilisées, des pratiques parfois peu durables ressurgissent : culture sur brûlis, défrichage de forêts primaires, utilisation excessive d’engrais chimiques…

Ces stratégies d’adaptation rapide ont un coût. Elles participent à la déforestation, notamment en Guinée forestière, et provoquent l’érosion des sols. Quand les pluies viennent, elles n’irriguent plus, elles emportent. Le cercle vicieux est enclenché, chaque année un peu plus.

Un récent rapport de la FAO indique que plus de 35 % des terres arables guinéennes souffrent d’une forme d’érosion, accentuée par la perte de couverture végétale et les pratiques agricoles intensives.

Des impacts sociaux directs sur les ruraux

Avec moins de récoltes, c’est moins de nourriture sur la table… et moins de revenus au marché. L’insécurité alimentaire provoquée par le changement climatique n’est plus un scénario théorique, elle se manifeste dans les foyers ruraux.

À Kankan, plusieurs familles voient leurs enfants quitter les villages pour rejoindre Conakry ou le Sénégal en quête d’opportunités. L’exode rural s’accélère, la pression urbaine augmente, et le tissu communautaire s’effrite. Ce sont autant de conséquences en chaîne d’une agriculture affaiblie.

Fatoumata Camara, mère de cinq enfants à Dalaba, raconte :

« Avant, on vivait correctement avec nos cultures. Maintenant, on achète souvent le riz au marché, même pour nos repas. Les champs ne donnent pas comme avant. Mon fils a quitté le village l’année dernière, il dit qu’il ne reviendra plus travailler la terre. »

Le rôle crucial de l’adaptation agricole

Si le constat est préoccupant, il n’est pas irrémédiable. Plusieurs initiatives voient le jour pour tenter d’adapter l’agriculture aux nouveaux défis climatiques. Le concept d’agriculture intelligente face au climat (climate-smart agriculture) commence à gagner du terrain en Guinée.

Il s’agit notamment de :

Des ONG comme AgriGreen Guinée ou le Projet d’Appui au Développement Agricole Durable (PADAD) mènent des programmes de démonstration dans plusieurs régions. On y voit des résultats encourageants, mais encore à faible échelle.

Et l’implication de l’État dans tout ça ?

Certaines mesures gouvernementales ont vu le jour, notamment dans le cadre du Plan National d’Adaptation aux Changements Climatiques, adopté en 2020. L’objectif affiché est d’accompagner les communautés rurales dans leur transition agroécologique.

Mais sur le terrain, la mise en œuvre reste timide. Beaucoup de paysans interrogés ignorent l’existence de ces programmes. Le manque de communication, de financements concrets et de coordination entre les structures impliquées freine leur impact.

Face à l’urgence, une approche plus concertée, plus inclusive, s’impose. Pas simplement pour élaborer des politiques sur papier, mais pour les ancrer dans la réalité des villages guinéens. Car sans transition agricole, la souveraineté alimentaire du pays est en jeu.

Une urgence partagée, une responsabilité collective

Il appartient à chacun — autorités, chercheurs, agriculteurs, citoyens — de repenser la relation entre agriculture et environnement. Le changement climatique en Guinée n’est pas qu’un défi technique ou économique. Il est profondément humain.

Derrière chaque perte de récolte, il y a une mère inquiète, un jeune qui déserte les champs, une communauté qui se fragilise. Mais aussi un potentiel de création, d’innovation et de résilience, à condition d’y croire collectivement.

La terre guinéenne a nourri des générations. Pour qu’elle puisse continuer à le faire, il faut l’écouter, la respecter, et l’adapter aux temps nouveaux.

Alors, la prochaine fois que vous croisez une étale de légumes ou un sac de fonio au marché, posez-vous cette question : d’où vient-il, et quel combat climatique a-t-il surmonté pour arriver jusqu’ici ?

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