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Les autorités guinéennes renforcent les mesures contre la corruption

Les autorités guinéennes renforcent les mesures contre la corruption

Les autorités guinéennes renforcent les mesures contre la corruption

Un tournant dans la lutte contre la corruption en Guinée

Depuis plusieurs mois, un vent de réforme souffle sur les institutions guinéennes. Sous l’impulsion des autorités de transition, la lutte contre la corruption, longtemps considérée comme un fléau endémique, semble prendre un nouveau tournant. Bien que ce combat ne soit pas nouveau, la récente série de mesures prises par le gouvernement laisse entrevoir une volonté plus affirmée de s’attaquer à ce mal qui gangrène le tissu socio-économique du pays.

Mais à quoi ressemblent réellement ces mesures ? Comment sont-elles perçues par les citoyens ? Et, surtout, auront-elles un véritable impact à long terme ? Décryptage.

Un arsenal juridique en voie de renforcement

La première étape de cette offensive anti-corruption a été d’ordre légal. En février dernier, le gouvernement de transition a soumis à l’Assemblée une série de textes visant à renforcer les dispositifs existants. L’une des propositions phares concerne la révision de la loi sur la déclaration de patrimoine. Jusque-là, cette exigence s’appliquait essentiellement aux ministres en exercice. Désormais, elle s’étendra à un éventail plus large de hauts fonctionnaires, y compris les directeurs généraux de sociétés d’État.

Selon un conseiller juridique au ministère de la Justice, cette extension vise à « garantir une transparence totale dans la gestion des biens publics et privés au sein de l’administration publique ». Un pas significatif, lorsqu’on sait que certaines entités publiques ont été régulièrement pointées du doigt pour opacité dans leur fonctionnement.

La création d’une Cour spéciale contre la corruption

Autre grande avancée : la mise en place prochaine d’une Cour spéciale anti-corruption. Directement rattachée à la présidence, cette juridiction aura pour mission de juger les crimes économiques, notamment le détournement de fonds publics, le blanchiment d’argent et la concussion. Elle devrait fonctionner avec une unité d’enquête financière indépendante, composée d’enquêteurs formés et dotés de moyens modernes d’investigation.

« Il ne suffit pas d’identifier les suspects, encore faut-il pouvoir monter des dossiers solides, avec des preuves irréfutables », explique Mamadou Sylla, magistrat à la retraite, aujourd’hui consultant. Pour lui, seuls des outils judiciaires crédibles peuvent dissuader les pratiques frauduleuses dans le secteur public.

Des arrestations qui marquent les esprits

Depuis le début de l’année, plusieurs figures influentes ont été interpellées dans le cadre d’enquêtes sur la gestion de fonds publics. Ces arrestations, parfois spectaculaires, ont suscité de nombreuses questions dans les rues de Conakry, Labé ou encore Nzérékoré. « Est-ce une manœuvre politique ou une réelle volonté de justice ? », s’interroge Mariam, commerçante au marché Madina. À cette incertitude, le gouvernement répond par la promesse d’un traitement impartial, quel que soit le statut ou l’affiliation des accusés.

Le cas le plus médiatisé reste celui de l’ancien directeur d’une entreprise publique du secteur des infrastructures, accusé de malversations portant sur plusieurs milliards de francs guinéens. Pour les autorités, ces interpellations visent à envoyer un signal clair : l’impunité n’est plus une option.

Des signaux encourageants pour les partenaires internationaux

En renforçant sa lutte contre la corruption, la Guinée espère également regagner la confiance de ses partenaires économiques. Institutions financières, bailleurs de fonds et investisseurs privés guettent les signaux d’un climat d’affaires plus sain. Selon une note du FMI publiée en mars dernier, « une meilleure gouvernance et une transparence accrue dans la gestion des finances publiques sont des conditions préalables pour envisager une augmentation significative des aides budgétaires ».

Dans le secteur du tourisme, par exemple, les responsables d’agences locales souhaitent une meilleure utilisation des fonds destinés à l’infrastructure touristique. « Trop souvent, les projets annoncés n’aboutissent pas, ou sont bâclés faute de contrôle », déplore Aminata Keita, responsable d’une agence de voyages basée à Kindia. Un assainissement du secteur public permettrait, selon elle, de relancer la confiance des opérateurs nationaux et étrangers.

Une société civile vigilante, mais partagée

Face à ces avancées, la société civile guinéenne reste vigilante. Les organisations de lutte contre la corruption saluent l’initiative, tout en réclamant plus de transparence dans le processus.

Dans un communiqué publié en avril, le Réseau national de lutte contre la corruption (RENACOG) souligne que « la mise en place d’une Cour spéciale doit s’accompagner de garanties procédurales solides, pour éviter les dérives et assurer une justice équitable ». Le collectif appelle également à une plus grande ouverture de l’information publique, notamment à travers la publication régulière des appels d’offres, des audits de gestion et des résultats des investigations.

Cependant, certains acteurs craignent que cette dynamique soit instrumentalisée à des fins politiques. « Il est essentiel que ce combat ne soit pas sélectif », avertit Tidiane Bah, coordinateur d’une ONG de bonne gouvernance. Pour que cette démarche soit crédible, elle doit aller jusqu’au bout, sans distinction de parti ou d’ethnie.

Des réformes qui doivent s’ancrer dans la durée

La lutte contre la corruption ne peut se résumer à une série de coups d’éclat ou à des réformes ponctuelles. Elle nécessite une transformation en profondeur des mentalités, des mécanismes et des institutions. Dans ce sens, les initiatives en cours devraient être accompagnées de programmes de sensibilisation, notamment dans les écoles et les universités. « La corruption commence souvent dans les petits actes du quotidien. Il faut changer cette culture », explique Fatoumata Camara, enseignante à l’Institut polytechnique de Kankan.

Voici quelques pistes proposées par des experts et membres de la société civile :

L’efficacité de ces mesures dépendra aussi de leur ancrage dans le quotidien. Car au-delà des textes de loi et des institutions créées, c’est la confiance des citoyens qui fera la réussite – ou non – de cette révolution silencieuse.

Un espoir renouvelé dans les régions

Dans plusieurs régions de la Guinée, ces changements suscitent de nouveaux espoirs. À Mamou, par exemple, des responsables administratifs ont organisé des ateliers de formation sur la gestion éthique des fonds publics. À Siguiri, un collectif d’habitants a récemment lancé une initiative locale de suivi des dépenses communales. « Pour une fois, on nous écoute », témoigne Salifou Barry, membre de ce collectif. « Cela prouve qu’avec de la volonté et du contrôle citoyen, les choses peuvent bouger ».

C’est peut-être là la meilleure garantie de succès : faire de chaque citoyen un acteur de la transparence. Car la corruption n’est pas seulement une affaire de hauts fonctionnaires ou de ministres. Elle commence parfois par un billet glissé pour éviter une amende, ou un pot-de-vin pour décrocher un contrat. La nettoyer exige donc une vigilance collective, à tous les niveaux.

Une dynamique encore fragile

Malgré ces progrès, le chemin reste long. Les résistances sont nombreuses, les intérêts parfois puissants, et les espoirs peuvent vite basculer en désillusion. La durabilité du changement dépendra de plusieurs ingrédients : la volonté politique, la pression citoyenne, et la cohérence des actions engagées.

Mais pour une Guinée nouvelle, où la richesse du pays profite à tous, le pari du courage et de la transparence vaut sans doute d’être tenté. À chacun désormais de jouer sa partition, pour faire de cette lutte une victoire collective.

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