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Le championnat national de football en Guinée attire de plus en plus de spectateurs

Le championnat national de football en Guinée attire de plus en plus de spectateurs

Le championnat national de football en Guinée attire de plus en plus de spectateurs

Le football guinéen, un spectacle local qui séduit de plus en plus

Longtemps considéré comme un simple loisir ou un passe-temps populaire, le championnat national de football en Guinée connaît aujourd’hui une dynamique nouvelle. Des stades pleins à Conakry aux petites enceintes régionales en ébullition, l’engouement populaire pour ce sport collectif s’affirme de saison en saison. Ce regain d’intérêt coïncide avec une meilleure structuration des clubs, une médiatisation accrue et des initiatives communautaires qui rapprochent davantage les équipes de leurs supporters. Faut-il y voir le renouveau d’un football guinéen plus ancré dans sa base ? Décryptage.

Une hausse tangible du taux de fréquentation des stades

Il suffit d’assister à un match du Horoya AC au Stade du 28 Septembre pour mesurer l’enthousiasme grandissant des supporters. Même les jours de semaine, les gradins se remplissent progressivement, accompagnés de chants, de vuvuzelas et de banderoles colorées brandies par les fans. La Ligue 1 guinéenne, jadis peu suivie en dehors des cercles initiés, attire désormais un public varié : familles, jeunes étudiants, anciens joueurs, mais aussi touristes curieux de découvrir une tranche authentique de la vie guinéenne.

Selon la Ligue guinéenne de football professionnel, la saison 2023-2024 a enregistré une hausse de plus de 30 % de la fréquentation moyenne dans les stades par rapport à la précédente. « Ce chiffre est encourageant, mais il traduit surtout une stabilisation de l’organisation et une professionnalisation de la compétition », note Mory Kaba, membre de la commission marketing de la Ligue.

Le rôle des clubs dans la fidélisation des supporters

À Dubréka, le club de SOAR Académie mise depuis deux ans sur la proximité avec les habitants en organisant régulièrement des entraînements ouverts au public et des sessions d’initiation pour les enfants. « C’est une stratégie simple : si les jeunes s’attachent à un club, ils viendront avec leur famille », explique N’Faly Sylla, responsable de la communication du club.

Cette initiative s’intègre dans une dynamique de lien social. À Kindia, le Gangan FC participe à plusieurs actions citoyennes, notamment des nettoyages collectifs ou le soutien aux écoles locales. Résultats : une popularité croissante et un sentiment d’appartenance fort. « On ne gagne pas toujours sur le terrain, mais on a gagné le cœur des habitants », confie avec fierté un supporter rencontré au stade Fodé Fissa.

Médiatisation et réseaux sociaux : le nouveau terrain de jeu

Autre facteur clé de cette montée en puissance : les médias, notamment digitaux, qui relaient désormais plus régulièrement les résultats, les interviews d’après-match et les actions marquantes. Des pages Facebook comme « Guinée Foot Express » diffusent en direct certains matchs de Ligue 1 et commentent en temps réel les performances des joueurs, suscitant de nombreux partages et réactions en ligne.

Sur Instagram et TikTok, des joueurs comme Sékou Camara ou Mohamed Soumah cumulent des milliers de vues grâce à leurs gestes techniques, mais aussi leur proximité avec le public. Ces plateformes jouent un rôle majeur dans le renouvellement du public du championnat, en attirant notamment une frange plus jeune et connectée de la population.

Un vecteur de cohésion sociale

Dans un contexte national souvent marqué par des tensions politiques ou sociales, le football national agit comme un ciment collectif. Les matchs deviennent des espaces de fête, où les rivalités restent confinées au terrain et les différences d’opinion s’effacent derrière une passion commune. À Labé, des jeunes de différents quartiers se cotisent régulièrement pour affréter un minibus et assister ensemble aux rencontres du Fello Star.

« Le foot appartient à tout le monde », affirme Idrissa, 24 ans, supporter invétéré. « Que l’on soit de Kankan ou de Nzérékoré, quand notre équipe joue, c’est tout le pays qui vibre ».

Des infrastructures encore à améliorer

Si l’intérêt du public pour le championnat ne fait que croître, il reste encore des défis à relever, et non des moindres. De nombreux stades, notamment en province, ne répondent pas aux normes de sécurité ou de confort. Absence de sièges, mauvaise sonorisation, manque de toilettes ou d’éclairage : les conditions d’accueil des spectateurs freinent parfois l’élan populaire.

Le ministère des Sports a récemment lancé un programme de réhabilitation de six stades régionaux, balisant ainsi un début d’investissement structurant pour l’avenir du championnat. Mais les financements publics seuls ne suffisent pas. « Il faut impliquer les collectivités, les sponsors locaux et pourquoi pas le secteur privé », soutient Aïcha Bah, économiste spécialisée dans la gestion des infrastructures sportives.

Une économie locale qui bouge autour des matchs

Derrière chaque jour de match, c’est toute une micro-économie qui s’active. Vendeurs d’arachides, couturières de maillots, chauffeurs de taxi, tenanciers de buvettes : le football contribue à générer du revenu pour des milliers d’acteurs informels.

À Boké, lors des matchs du Wakriya AC, le marché situé à proximité du stade augmente son chiffre d’affaires de près de 50 %. Une vendeuse de sandwichs nous confie : « Moi, je préfère les jours de match aux fêtes. Je prépare à 6h du matin, et tout est vendu avant midi ». Ces témoignages illustrent l’impact concret du sport sur l’économie locale à petite échelle, une réalité parfois peu mesurée dans les politiques économiques.

Des supporters aux profils de plus en plus diversifiés

Traditionnellement perçu comme un univers majoritairement masculin, le football fait place à une audience plus inclusive. De plus en plus de femmes s’affichent dans les tribunes, certaines en tant que supportrices ferventes, d’autres en tant que journalistes sportives ou influenceuses digitales. La blogueuse Aminata Touré, connue pour ses analyses engagées et ses chroniques d’après-match, témoigne : « Le football, c’est aussi une affaire de réflexion et de passion. Il est temps que les femmes aient pleinement leur place dans cette ambiance ».

Autre phénomène notable : la présence accrue des enfants et jeunes adolescents, emmenés souvent par leurs parents ou éducateurs. Pour certains, c’est l’occasion de rêver, pour d’autres, une sortie familiale dans une ambiance conviviale.

Quelles perspectives pour les saisons à venir ?

À l’aube de la saison 2024-2025, les signaux sont au vert pour le football guinéen. La Ligue prévoit d’augmenter le nombre de matchs diffusés à la télévision nationale et d’établir des partenariats avec certaines entreprises locales pour sponsoriser les événements. D’un autre côté, les clubs investissent progressivement dans le recrutement, les équipements et la formation des joueurs, gages de compétitivité sur la scène régionale.

Plusieurs académies privées émergent également dans les villes secondaires, proposant une formation à la fois sportive et scolaire, à l’instar du centre Don Bosco à Kankan. Objectif : former localement les talents de demain, réduire l’exode prématuré vers l’étranger, tout en consolidant l’attrait du championnat pour les jeunes générations.

Si tout n’est pas encore parfait, il ne fait aucun doute que le championnat national joue un rôle fondamental dans le paysage socioculturel du pays. Il incarne une passion partagée, une économie vivante, et une formidable opportunité de renforcer le lien social. Le ballon rond, plus qu’un jeu, devient le miroir de ces dynamiques collectives qui façonnent doucement mais sûrement la Guinée de demain.

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