L’organisation d’un forum économique régional à Conakry suscite de l’intérêt

L’organisation d’un forum économique régional à Conakry suscite de l’intérêt

À Conakry, l’agenda économique de cette fin d’année prend un virage significatif avec l’annonce d’un forum économique régional de grande envergure. Prévu pour le mois prochain, cet événement attire déjà l’attention des acteurs du monde des affaires, des décideurs politiques, mais aussi des citoyens curieux de mieux comprendre les dynamiques économiques à l’œuvre en Guinée et en Afrique de l’Ouest. Organisé sous l’égide du ministère du Commerce, de l’Industrie et des PME, le forum ambitionne de repenser les stratégies d’intégration économique régionale à travers le prisme des réalités guinéennes. Une initiative qui, sur bien des aspects, suscite attente et espoir.

Un rendez-vous stratégique pour le tissu économique local

Le choix de Conakry comme ville hôte n’est pas anodin. Capitale bouillonnante, point névralgique des échanges commerciaux et port d’attache stratégique pour la sous-région, Conakry incarne le carrefour idéal pour porter les ambitions économiques régionales. Le forum devrait réunir une centaine de participants issus de plusieurs pays d’Afrique de l’Ouest – des entrepreneurs, investisseurs, responsables gouvernementaux, économistes et délégués d’organisations régionales comme la CEDEAO ou l’UEMOA.

Son objectif ? Offrir une plateforme de dialogue concrète orientée vers la coopération économique, la transformation locale des ressources, et une meilleure intégration des marchés sous-régionaux. Selon un haut cadre du comité d’organisation rencontré sur place :

« Il ne s’agit pas d’un simple symposium de discours. Nous voulons des accords, des partenariats, et surtout des résolutions pragmatiques qui auront un réel effet sur le terrain, notamment pour les PME. »

La Guinée : un potentiel à valoriser dans la chaîne de valeur régionale

Parler de coopération économique régionale en Guinée revient forcément à évoquer le potentiel immense mais encore sous-exploité de l’économie nationale. Ressources minières abondantes, terres arables en quantité, main-d’œuvre jeune et dynamique… les atouts existent. Ce que le pays peine encore à transformer, ce sont ces ressources en richesses locales, durables et partagées.

Le forum entend précisément s’intéresser à ces leviers de transformation. Plusieurs panels aborderont des thématiques comme :

  • La création de chaînes de valeur agroalimentaires intégrées entre les pays voisins
  • Les infrastructures de transport et de logistique au service du commerce interrégional
  • Les perspectives de la ZLECAf (Zone de libre-échange continentale africaine) pour les marchés ouest-africains

Pour Fodé Camara, entrepreneur dans l’agro-industrie basé à Kindia, ce forum est une opportunité : « Nous avons de bons produits, mais pas toujours les débouchés ni l’encadrement pour atteindre les marchés sous-régionaux. Un espace de dialogue comme celui-ci, on en avait besoin depuis longtemps », confie-t-il.

Des enjeux locaux bien présents

Au-delà des thématiques régionales, l’événement aborde aussi des préoccupations très locales. Notamment, la difficulté d’accès au financement pour les petites entreprises ou la faible structuration de certains marchés. Les autorités espèrent utiliser ce forum comme vitrine pour mettre en avant les réformes en cours, notamment celles liées à l’amélioration de l’environnement des affaires.

En parallèle des panels et débats, des ateliers pratiques sont prévus, avec des experts de l’entrepreneuriat, des banquiers et des structures d’accompagnement. Pour Mariama Sylla, qui cherche à développer une coopérative de transformation de fruits à Mamou, ce format est intéressant : « J’espère y rencontrer d’autres femmes entrepreneures et pourquoi pas des investisseurs. »

Un espace « Village des entrepreneurs » sera mis en place pour permettre à des start-up et jeunes entreprises de présenter leurs projets. Ce type d’initiatives permet aussi de rapprocher le secteur formel de la jeunesse, souvent marginalisée des circuits classiques de l’économie.

Conakry se prépare : entre logistique et mobilisation

La ville de Conakry s’active déjà pour accueillir dignement les délégations. Plusieurs hôtels affichent complet pour la période, et le ministère du Tourisme annonce un dispositif d’accueil renforcé. Pour les visiteurs venus de l’étranger, des circuits de découverte de sites touristiques — comme les îles de Loos ou le centre historique de la ville — seront proposés en marge du forum.

Mais la réussite d’un événement de cette ampleur repose aussi sur la mobilisation des citoyens et des acteurs locaux. C’est pourquoi les organisateurs multiplient les communications dans les médias, mais aussi sur les réseaux sociaux. Des débats radios et conférences universitaires ont été lancés depuis quelques semaines pour sensibiliser et faire monter le niveau de compréhension autour des enjeux.

Comme le fait remarquer Boubacar Bah, enseignant à l’université Général Lansana Conté de Sonfonia : « Ce forum donne matière à réfléchir à la place de la Guinée dans la région. Et il faut que les étudiants saisissent cette occasion pour s’y impliquer intellectuellement. »

L’impulsion politique derrière le projet

Si cette initiative vient techniquement des acteurs économiques, elle bénéficie d’un fort soutien politique. Le gouvernement y voit non seulement une opportunité de redorer l’image du pays à l’international, mais aussi une étape stratégique de relance nationale après des années d’instabilité institutionnelle.

L’État mise sur cette vitrine pour rassurer les investisseurs étrangers sur la stabilité économique de la Guinée et témoigner des efforts entrepris pour soutenir le secteur privé local. Les discours d’ouverture seront d’ailleurs prononcés par plusieurs membres du gouvernement, et potentiellement par le président de la Transition en personne — une présence symbolique forte, si elle se confirme.

Pour le chercheur Mamadou Barry, spécialiste des politiques économiques ouest-africaines : « Ce genre d’événement est utile, à condition que l’élan se prolonge une fois la salle vidée. Trop souvent, les résolutions restent dans les rapports. Ici, le vrai enjeu sera le suivi. »

Et après ?

Ce forum sera-t-il une étincelle de plus dans le vide des grandes ambitions africaines ? Ou bien une plateforme capable d’impulser des changements tangibles dans la manière dont la Guinée et ses voisins pensent leur coopération économique ? La question mérite d’être posée.

En attendant, pour les citoyens, les petites entreprises, les commerçants et les élèves en économie, ce forum est aussi une invitation. Une invitation à se projeter au-delà de nos frontières, à voir plus large, à penser en réseau. À comprendre que, face aux défis multiples — insécurité alimentaire, chômage, dépendance aux matières premières — l’isolement coûte plus cher que la collaboration.

En somme, si ce forum réussit à faire dialoguer, à faire rêver aussi, mais surtout à faire agir… alors Conakry pourrait bien marquer un tournant important, non seulement pour la Guinée, mais pour toute la région.