La Guinée ambitionne de booster ses exportations agricoles

La Guinée ambitionne de booster ses exportations agricoles

Dans un pays où près de 80 % de la population tire ses revenus de l’agriculture, la question de la valorisation des produits agricoles locaux dépasse le simple débat économique. Elle touche à la souveraineté alimentaire, à la fierté nationale et, de plus en plus, à une volonté assumée de jouer un rôle plus actif sur les marchés internationaux. C’est dans cette dynamique que la Guinée affiche une ambition claire : booster ses exportations agricoles.

Un potentiel agricole encore sous-exploité

Terre fertile, climats variés, abondance en ressources hydriques… Sur le papier, la Guinée semble détenir toutes les cartes pour briller sur le marché agricole. Pourtant, les performances à l’exportation restent timides. Le café et l’ananas, autrefois fleuron du commerce extérieur guinéen, peinent à retrouver leur place d’antan sur la scène internationale. Pourquoi ce retard ?

En discutant avec des producteurs de la région de Kindia — réputée pour ses fruits juteux — un constat revient souvent : le manque d’infrastructures. Les routes rurales dégradées rendent l’acheminement des récoltes incertain, tandis que l’absence d’équipements de transformation oblige souvent les agriculteurs à vendre leurs produits à l’état brut, à bas prix. Mamadou Saliou, agriculteur rencontré au marché de Friguiagbé, témoigne : « Nous produisons beaucoup, mais sans moyens de conservation ou de transformation, nous sommes obligés de vendre vite, et pas cher. »

La volonté politique s’active

Face à cette réalité, les autorités ont décidé d’appuyer le secteur avec des mesures ciblées. L’annonce récente du ministère de l’Agriculture concernant le lancement d’un plan stratégique de développement des filières exportables, notamment l’ananas, le café, la mangue et le gingembre, marque une nouvelle étape. Ce plan prévoit :

  • La réhabilitation des pistes rurales pour désenclaver les zones agricoles
  • La création de centres de transformation agroalimentaire régionaux
  • La formation technique des producteurs aux normes d’exportation
  • Des incitations fiscales pour encourager les investissements privés dans la chaîne de valeur agricole

Selon Mariama Touré, chargée de programme au ministère, « l’objectif est double : améliorer la qualité des produits pour répondre aux exigences des marchés extérieurs, tout en augmentant la valeur ajoutée locale ». Une orientation que beaucoup saluent, notamment parmi les jeunes agripreneurs qui voient là une opportunité de développement durable.

Des filières prometteuses en voie de structuration

Parmi les produits sur lesquels le gouvernement mise, certaines filières connaissent déjà un regain d’activité. L’ananas de Kindia, longtemps éclipsé par celui du Costa Rica, fait un retour remarqué. Grâce à l’appui de structures comme l’Agence de Promotion des Exportations de Guinée (APEGUI), des coopératives locales commencent à exporter vers l’Europe, en particulier la France et la Belgique.

Autre filière en plein essor : le gingembre. Très prisé sur les marchés asiatiques et européens pour ses vertus médicinales et culinaires, ce rhizome est produit en quantité dans des zones comme Télimélé et Dalaba. Des unités artisanales de transformation y émergent, souvent gérées par des groupements de femmes. Kadiatou Barry, présidente d’une coopérative dans la région de Labé, raconte : « En transformant notre gingembre en poudre ou en sirop, nous avons pu le vendre au Sénégal et au Maroc. Ce n’est que le début. »

Les défis à surmonter

Si l’ambition est là, les défis ne manquent pas. Au-delà des infrastructures défaillantes, c’est tout un écosystème logistique et administratif qu’il faut repenser. Plusieurs exportateurs évoquent les lenteurs dans les procédures douanières, les coûts élevés du transport maritime depuis le port de Conakry, et les difficultés liées à la certification sanitaire des produits.

Un exportateur de mangues basé à Kankan, souhaitant garder l’anonymat, confie : « L’an passé, j’ai perdu un conteneur entier faute d’un certificat phytosanitaire arrivé trop tard. Les acheteurs en Europe ne peuvent pas attendre. » Des témoignages qui soulignent la nécessité de digitaliser certaines procédures et de mieux coordonner les services de contrôle qualité et de logistique.

Le rôle clé de la diaspora et des partenaires internationaux

La relance des exportations agricoles guinéennes n’est pas l’affaire du seul État. La diaspora joue un rôle concret dans le financement de projets agricoles. En Île-de-France, une initiative comme « AgroGuinée 2023 » — une plateforme créée par des entrepreneurs guinéens — a permis de lever des fonds pour installer une unité de séchage de fruits à Coyah.

Par ailleurs, des ONG et institutions comme l’Union Européenne, la Banque Mondiale ou encore le PNUD soutiennent des initiatives à forte valeur ajoutée. À travers le programme « AgriBoost », plusieurs jeunes diplômés ont été formés à la transformation de produits locaux et au marketing digital. Le but : leur permettre de vendre au-delà des frontières grâce au e-commerce.

Fatoumata Camara, jeune diplômée et promotrice de « Délices de Guinée », a pu exporter ses premières confitures de mangue vers le Canada grâce à un accompagnement technique et financier. Un bel exemple d’innovation locale qui séduit à l’international.

Quel avenir pour l’agro-export guinéen ?

La transition vers une Guinée exportatrice ne se fera pas du jour au lendemain. Mais les signaux sont clairs : volonté politique, dynamisme de certains acteurs du secteur, implication de la jeunesse et ouverture sur les marchés régionaux et internationaux. Le virage est amorcé.

Pour que cette ambition devienne réalité, il faudra maintenir le cap sur des politiques agricoles cohérentes, encourager les partenariats public-privé et surtout, restaurer la confiance des producteurs dans le système.

Alors, la Guinée peut-elle devenir un poids lourd des exportations agricoles en Afrique de l’Ouest ? La question mérite d’être suivie de près, surtout si les efforts actuels s’inscrivent dans la durée, avec des résultats tangibles sur le terrain. Car au bout du champ, c’est bien la souveraineté économique du pays qui se dessine.